Être « champion » de Soi non de la dépression !
Cet article du 15 octobre d’Eric Favereau (journaliste à Libération) fait ressortir les principaux points d’un rapport du BEH (Bulletin épidémiologique hebdomadaire, édité par Santé publique France) sur le sentiment de dépression de nos concitoyens.
Peut-on être pour le moins « champion » d’une humeur ou d’un état pathogène voire pathologique ! Loin de nous voir sur un podium, c’est l’impression d’être au fond du trou qui viendrait à l’idée plutôt. Cependant, le terme de champion largement attribué au domaine sportif pourrait bien révélé une autre justesse que l’auteur voulait bien mettre en avant, celle de l’aboutissement d’une course un peu trop folle, désordonnée, mal rythmée, sans direction précise, etc. Un pas de côté ne serait-il pas salutaire pour s’arrêter un instant et s’interroger sur soi, sur le Soi dans l’approche jungienne pour devenir champion de nous-même et non d’une dépression qui nous guetterait au prochain virage ?
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Les femmes et les 35-44 ans champions de la dépression.
Selon l’étude, chômage et ruptures conjugales favorisent un épisode dépressif.
Une personne sur dix a souffert d’un épisode dépressif l’année passée, selon une étude de Santé publique France. Laquelle souligne aussi une plus forte exposition chez les personnes à bas revenus.
La France… déprimée. Un peu, beaucoup, en tout cas de plus en plus. Le mot est certes fourre-tout, mais l’étude que publie, ce mardi, le BEH semble clairement l’indiquer.
Près d’une personne sur dix déclare ainsi avoir souffert d’une dépression l’année écoulée. C’est beaucoup, et en augmentation de 2 points par rapport à 2010. Avec des différences nettes. Ainsi le trouble est plus fréquent chez les femmes (13 %) et chez les moins de 45 ans (11,5 %).
«Etre déprimé», cela veut tout et ne rien dire. «Le mot « dépression » est employé trivialement par qui veut exprimer un manque d’allant, une baisse de moral, se traduisant par un sentiment de mal-être, notent, dans un éditorial de présentation de leurs travaux, les chercheurs de Santé publique France (Astrid Chevance et Raphaël Gaillard). Dans cet usage commun, le terme se réfère à un état transitoire, indiquant une réactivité normale de l’individu à son contexte de vie.»
Libido
Dans le monde médical, le mot «dépression» a été supplanté par les termes d’«épisode dépressif caractérisé» (EDC) ou de «dépression maladie». Elle est décrite dans le Dictionnaire des maladies psychiatriques (DSM) «par un faisceau de symptômes dont l’humeur (tristesse, perte de plaisir) n’est qu’une dimension aux côtés de fonctions instinctuelles (sommeil, appétit et libido) et de fonctions cognitives et motrices fortement altérées». Qui plus est, pour que ces manifestations soient classées comme pathologiques, «il faut que soit objectivée une souffrance clinique et/ou une altération des fonctionnements professionnels, familiaux et sociaux de la personne».
Voilà pour la définition officielle. En 2015, selon l’Organisation mondiale de la santé, 300 millions de personnes dans le monde auraient été affectées par un EDC. Depuis 2005, en France, l’EDC s’est imposé comme l’indicateur pris en compte dans les enquêtes du Baromètre santé. Ce baromètre est très utile, car il est la seule étude européenne dans le temps et la durée. En 2017 ont ainsi été interrogées 25 319 personnes âgées de 18 à 75 ans par téléphone, avec un questionnaire durant en moyenne trente minutes. Les résultats se révèlent assez déprimants : 9,8 % des 18-75 ans sont touchés par la dépression, soit une augmentation de 1,8 point depuis 2010, date de la précédente enquête. «Le trouble est plus fréquent chez les femmes (13 %) et les moins de 45 ans (11,5 %).» Ces sept dernières années, ce sont les plus jeunes, entre 35-44 ans, qui ont connu la plus forte hausse, celle-ci étant sensible (plus de 4 points) chez les étudiants. Les personnes aux plus faibles revenus sont également plus exposées. Des résultats en concordance avec les autres études internationales. En résumé, «le sexe féminin, l’inactivité professionnelle, le faible niveau de revenus, les ruptures conjugales et l’âge inférieur à 45 ans sont liés à la survenue d’un EDC dans l’année», affirment les chercheurs.
Une autre étude en France, effectuée celle-là uniquement sur la population active, donne des résultats comparables, avec une prévalence sur les douze derniers mois de 8,2 % en 2017. Et là encore, «la prévalence féminine est deux fois plus élevée». «Il est intéressant de constater que, pour les femmes, la prévalence est identique quels que soient l’âge, le secteur d’activité ou la catégorie socioprofessionnelle. En revanche, pour les hommes, avoir moins de 45 ans ainsi que travailler dans certains secteurs (hébergement, restauration, finance ou assurances, arts et spectacles) est fortement associé à une fréquence plus élevée du trouble».
Maltraitance
Pour Bruno Falissard, professeur de santé publique, ces données sont à tempérer. «Dans ce travail, nous avons affaire à un diagnostic épidémiologique d’EDC, c’est-à-dire que l’on a contacté des gens par téléphone et qu’on leur a posé des questions sur leur fonctionnement ou leur état émotionnel. Dans la vraie vie, cela ne marche pas comme cela.» A ses yeux, on peut juste dire que l’on a là un thermomètre à dépression, «et on peut noter que la température dépressive a augmenté dans la dernière décennie». Mais comment expliquer, par exemple, une fréquence beaucoup plus forte chez les femmes ? «On ne sait pas vraiment pourquoi. Ont-elles plus de facilité pour exprimer leur souffrance psychique ? Est-ce la conséquence d’une maltraitance sociétale ? Est-ce dû à une différence d’imprégnation hormonale ? Cette dernière hypothèse n’est pas à écarter, car avant la puberté il n’y a pas de différence entre garçons et filles.»
Mais quid de l’augmentation de la température dépressive générale ? Réponse de bon sens : «A l’évidence, nous sommes de plus en plus inquiets. Le climat, la radicalisation, les migrations, les nationalismes… les signaux d’inquiétude ne manquent pas. Or l’inquiétude est la cousine germaine de l’anxiété, et l’anxiété la sœur jumelle de la dépression ».
Par Eric Favereau (Libération du 15 octobre 2018)